Sarah Baud, la nouvelle plume du polar romand !

Pour son premier roman, la genevoise Sarah Baud s’attaque directement au genre polar. Une fillette retrouvée en état de choc au bord d’une rivière puis, 19 ans plus tard, une série de meurtres qui ébranlent la cité de Lémania où le pouvoir, l’argent et les trafics dominent : « Une fille hors pères » (Slatkine) frappe fort.

Pourquoi choisir le genre polar pour votre premier roman ?
Je n’ai pas choisi un genre en particulier pour ensuite commencer à écrire. J’ai commencé à écrire et le genre polar s’est imposé tout naturellement au fil de l’écriture.

Comment est née l’intrigue de «Une fille hors pères» ?
J’ai pioché dans mon vécu. Très jeune, j’avais une forme de double vie. Le jour, je me tenais sagement derrière mon pupitre d’école et la nuit, je partais à l’aventure en cachette. Je me baladais dans les étages d’immeubles en chantier ou abandonnés et fermés au public. L’idée principale c’était d’atteindre le toit. Là-haut, j’y trouvais une forme de liberté extraordinaire. La double vie a été le point de départ de mon roman.

Quels thèmes vouliez-vous aborder à travers ce livre ?
Principalement, l’enlèvement et le trafic d’enfants. Il y a des êtres humains qui pensent que les enfants sont à leur disposition, qu’un enfant leur appartient, qu’ils peuvent le violer, voler ses organes. À travers ce livre, je voulais exprimer la révolte de ces enfants, leur combat pour renaître, pour continuer à aller de l’avant malgré les traumatismes. Certaines émotions me tiennent également à cœur, comme celles qui naissent des difficultés à s’exprimer, à trouver les bons mots, d’être capable de se remettre en question en changeant complètement la perception que nous avons de nous-mêmes. 

La cité de Lémania où le pouvoir, l’argent et les trafics dominent s’inspire clairement de Genève. Est-ce votre regard sur votre ville que vous mettez dans ce roman?
Je suis née à Genève et je l’ai réinventée. On parle souvent du Grand-Genève, moi j’ai créé le district de Lémania, une sorte de paradis fiscal avec sa propre monnaie virtuelle: le daemon. Dès que l’argent, les enjeux et les intérêts abondent dans un lieu, il y a forcément des dérapages. Dans mon livre, j’ai une vision assez critique de ce monde sans vouloir me placer en moralisatrice, évidemment. Il s’agit d’une fiction. 


« La double vie a été le point de départ de mon roman.»


Vous avez mis sept ans à terminer « Une fille hors pères ». En quoi est-ce un livre important pour vous ?
Quand j’ai commencé à écrire, je ne savais pas si j’étais capable d’écrire. Je me compare souvent à une personne qui aurait écouté de la musique durant des années et puis soudain, on tend une guitare à cette personne en lui disant : joue! J’ai arrêté l’école à 15 ans. J’ai la chance de ne pas être formatée, mais j’ai mis des années à l’accepter et à comprendre que c’était une chance. Aujourd’hui, je sais que c’est une liberté. J’écris à l’oreille, j’écoute si les phrases sonnent bien, si elles me touchent. J’ai choisi chaque mot de ce livre comme une note qu’on rajouterait à une partition. Quand je relis mes premiers essais, je les trouve absolument nuls – mais la force d’un être humain est de se dire qu’on est capable de mieux, et de se le répéter tous les jours. Et un matin, il faut aussi savoir s’arrêter et se dire, voilà j’ai terminé, je ne peux pas faire mieux. Pour l’instant…  

Quelle place occupe l’écriture dans votre parcours professionnel et personnel ?
Quelque soit le support, j’ai toujours créé, et exprimé mes émotions à travers un art. Ado, j’ai fait du théâtre à Genève au Conservatoire populaire de musique. À 19 ans, j’ai rejoint l’ArtEZ University of the Arts au Pays-Bas pour étudier la danse. À 20 ans, j’ai été engagée dans les compagnies de danse de la japonaise Yoshico Chuma et de l’américaine Meg Stuart. Les tournées m’ont fait découvrir New York, Berlin, Londres… À 23 ans, suite à une agression dans un train, je suis revenue à Genève. J’ai enchaîné les petits boulots et à 30 ans, j’ai passé un CFC d’employée de commerce. Après avoir été assistante de direction dans une multinationale américaine, je travaille chez SIX Financial Information, une division de la bourse Suisse, en tant que gestionnaire de compte clients. Et j’ai deux fils avec lesquels je vis. La danse, le théâtre, la peinture… Aujourd’hui c’est l’écriture, demain? J’ai commencé mon deuxième roman et j’adore écrire, inventer des mondes imaginaires, des personnages, des combats intérieurs. C’est ma came! 

«Une fille hors pères». De Sarah Baud. Slatkine, 460 p.

Propos recueillis par Isabelle Falconnier