Nicolas Regamey, un typographe à l’ancienne à Lausan’noir

Le patron de l’Atelier Typo de la Cité Nicolas Régamey propose à Lausan’noir tout à la fois des demonstrations, des promenades Traclette et l’impression d’une Gazette du Crime quotidienne. Portrait d’un passionné de mécanique, de romans policiers et d’intemporalité!

Nicolas Regamey est né aux temps passés. Il vit pourtant bel et bien dans notre siècle auquel il reconnait quelques progrès qui selon lui, ne servent pas forcément l’élégance et le raffinement. Pour le jeune quadra qui semble tout juste échappé d’un album d’Hergé, la connaissance et le respect du patrimoine est un art de vivre. Les premiers indices de cette orientation se situent avant l’adolescence, lorsque le gamin de Blonay se fait engager comme aspirant «wattman» sur la ligne Blonay-Chamby. Il n’a alors que treize ans… La ferveur n’attend pas le nombre des années n’est-ce pas ! Tout au long de notre rencontre, Nicolas Regamey prend soin d’expliquer les termes qu’il utilise : un souci permanent d’entretenir la tension qu’il créé autour de son sujet. “Wattman, c’est le nom donné au début du XXe siècle aux conducteurs de machines automobiles, souvent électriques et dédiées au transport de personnes. Du «franglais» avant l’heure, comme on aimait en user en 1900 déjà…”

Ce qui anime le patron de l’Atelier Typo de la Cité est sans doute la passion de la mécanique. Une fois franchie la porte vitrée de l’enseigne, encre et huile chaude fusionnent leurs effluves au son des cames et du cliquetis des antiques «vieilles dames» de fonte noire. Bac en poche, Nicolas Regamey se tourne vers une formation de graphiste puis de codeur de bases de données. «Une erreur !» prétend non sans humour, Jean-Renaud Dagon, patron de l’imprimerie du Cadratin en évoquant le parcours de son élève. «Mais tout est rentré dans l’ordre depuis que Nicolas s’est formé en typographie ! ».  Vous l’aurez compris, on «naît» typographe !

Tout a commencé lors de la visite du Musée Gutenberg à Fribourg. A peine sorti de l’adolescence, Nicolas prend alors la mesure de sa passion pour cet univers. En prenant le temps d’aligner l’un après l’autre les petits caractères de plomb pour composer la page d’un livre, on rend hommage aux temps jadis et ses belles manières. Et de livres, il est fréquemment question dans le monde de Nicolas. Dans les énigmes où Sir Arthur Conan Doyle plonge Sherlock Holmes, Nicolas retrouve sa Belle Epoque, celle des trains qui partaient vers l’Orient, des soirées à l’opéra, des belles toilettes et des chapeaux melon. Voici l’autre passion de Nicolas, le roman policier! Une passion qui le fait rencontrer Vincent Delay, auteur lausannois de «polars» et néanmoins cadre supérieur de la Police cantonale ! Ils sont associés dans les activités du Musée Sherlock Holmes dont Vincent Delay est conservateur. Il est donc tout à fait naturel que le maître typographe de la Cité lui propose, il y a dix ans, d’imprimer son premier roman «à l’ancienne», un polar dont le détective Toby Sterling est le «héros imprimeur»…ça ne s’invente pas. 

Aujourd’hui – il n’a manqué qu’une édition de Lausannoir depuis sa création – Nicolas est une des chevilles ouvrières du Festival. Il lui dédie son temps, son énergie, ses connaissances avec une élégance toute victorienne. Tout au long de la manifestation, Nicolas sera installé sur le site du Festival où il imprimera le dernier roman de Vincent Delay intitulé «Vatican en vacances», le quatrième tome des «Apéros du chalet du commissaire Lafouine» de Taulo Jalanti et un numéro quotidien de la Gazette du Crime sur une presse du IXe vendue CHF 5.- l’exemplaire.

La typographie a cédé sa place à l’offset au moment où naissait la génération Y dont fait partie Nicolas Regamey. La grande révolution était en marche avec le CD, Internet et les smartphones. Qu’un jeune homme se dédie ainsi aux instruments d’autrefois est un signe d’apaisement entre les générations, et l’univers du polar en est le témoin.

Pierre Dominique Chardonnens